HISTOIRE DU LAC

Le texte qui suit a été rédigé par un riverain du lac Lambert, Jean-Louis Boudou. Il poursuit ses recherches pour construire la suite du récit...

D'où vient le lac Lambert?

Un lac, c’est de l’eau. Et l’eau, c’est la vie! 

Les scientifiques l’ont dit : l’apparition de la vie sur Terre n’a pu se faire que dans l’eau. Depuis ce temps du début du monde, bien de l’eau a coulé sous les ponts! Des centaines de millions d’années plus tard, c’est-à-dire hier, disons avant-hier, il y a vingt à dix-huit mille ans, les glaciers recouvraient toute la région, toute la vallée du Saint-Laurent, une grande partie de l’Amérique du Nord. 

À la fin de cette période glaciaire, autrement dit à la fonte des glaciers, l’eau s’est mise à recouvrir toutes les basses terres du Saint-Laurent. C’est ce qu’on a appelé La mer de Champlain qui est l’ancêtre du fleuve et du lac Champlain. Montréal était alors sous 190 mètres d’eau. Lors de la déglaciation, les terres ont été libérées du poids des glaces, provoquant la remontée de la croûte continentale. Les rives actuelles du fleuve se sont ainsi mises en place il y a un peu moins de 8 000 ans. Un des vestiges de cette mer de Champlain est le lac Saint-Pierre entre Sorel et Trois-Rivières.

Donc les glaciers se retirent, une grande partie de la flotte se retrouve dans les océans mais une certaine quantité, de l’eau douce, est piégée dans des cuvettes pour former les Grands Lacs et, bien entendu, le lac Lambert!

L’eau douce représente moins de 3 % de l’eau totale du globe. Là-dessus les glaces polaires représentent un peu plus de 2 % et l’eau douce disponible moins de 1 %. Ce n’est rien! C’est dire que c’est de l’or! Mais l’or ne se boit pas… l’eau du lac Lambert est donc un trésor à protéger qui vaut bien plus que tout l’or du monde!

Les premières nations

Les Abénaquis, les Algonquins et les Attikameks ont sillonné la région bien avant que les Européens débarquent sur le continent. C’était leur territoire  - actuellement nous sommes sur des terres Attikameks - même si la notion de propriété n’existe pas chez les premières nations. Leur philosophie est à l’envers de la nôtre : « La terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre ». On attribue ce proverbe au chef sioux Sitting Bull qui a dirigé, vers la fin des années 1860, la résistance contre l’incursion américaine dans leur territoire traditionnel, le Dakota. En fait la terre est considérée par les Indiens comme une divinité. Et une divinité, ça ne s’achète pas!

Il reste par ici quelques traces qui rappellent la présence autochtone. On pense bien entendu au lac Sacacomie. Les Têtes de Boule (Algonquins) connaissaient l’existence du lac déjà sous le régime français. L’origine du nom Sacacomie ne fait pas l’unanimité. Ce beau mot viendrait de l’indien Sakaw qui veut dire allumer. Le sacacomie serait une plante proche du tabac qui pousse dans les forêts et qu’on retrouve sur les bords du lac. D’autres sources nous apprennent que Sak, qui veut dire racine, viendrait de l’algonquin et Komi signifierait lac. Ce peut être aussi Sagachomi, nom indien de l’arbousier busserole (ou raisin d’ours) qui poussait sur les bords du lac. À moins que ce ne soit le kalmia augustifolia, une espèce commune de la forêt boréale, dont le nom populaire est sacacoumi.

Fresque de Augustin Magwanedo
Fresque représentant Augustin Magwanedo réalisée par Jean-Philippe Mailhot.

Juste au dessus du Sacacomie, le lac Canitchez doit son nom à François Canitchez (Skinitchi), un chasseur algonquin de la Basse-Mauricie né vers 1767 et qui va épouser en 1812 Véronique-Marguerite Boucher de Niverville à Yamachiche. Il sera inhumé à Louiseville en 1842 à l’âge de 75 ans.

L’histoire se rappelle aussi d’un abénaki du nom d’Augustin Maguawando (représenté sur la murale de l’ancienne école primaire du village) qui a vécu à partir de 1860, avec sa seconde épouse Marie-Josephte Rotono, sur les bords du lac Sacacomie. Il n’était pas le seul au village. Au recensement de 1871, sur 349 habitants, on comptait « 8 sauvages », comme il est écrit! 

Maguawando trappait et chassait, accompagné le plus souvent de son ami Jean-Baptiste Lafrenière, riverain du lac comme lui. Ce Lafrenière avait suivi quelques années plus tôt le père Larue dans son projet de fonder une colonie au lac Saint-Bernard. L’écrivaine Madeleine Ferron raconte dans son récit familial « Adrienne » (sa mère est née à Saint-Alexis, son frère est le médecin et écrivain Jacques Ferron) qu’en 1850, le père Larue (alors curé de Saint-Paulin) réussit à convaincre huit hommes de le suivre. Alors que Saint-Alexis n’est qu’une mission peuplée de quelques habitants, ce père Larue projette l’établissement d’un village sur le bord du lac Saint-Bernard. Des maisons seront construites, une chapelle, la terre déchiffrée, ensemencée, récoltée. Malgré le travail acharné de ces hommes et de leurs femmes qui les ont rejoints, la prospérité n’est pas au rendez-vous. Tout sera abandonné, ne restera dans ce village fantôme qu’un Indien converti, John Paul, qui va passer le reste de sa vie, tel un mystique, sur le bord du lac. C’est un autre Amérindien, un jour de printemps, qui va découvrir le corps gelé de John Paul, étendu sous son canot, près des baluchons de fourrures, produit de son ultime tournée.

Plus près de nous, au début du XIXe siècle, Zotique Morin a été employé au Club Saint-Bernard. Créé en 1872, ce fameux St. Bernard Fish & Game Club était un club réservé aux millionnaires américains qui en ont profité jusqu’en 1977, date de l’abolition par le parti québécois du régime des clubs privés. Zotique Morin s’était installé avec sa famille dans le haut de la Rivière-aux-Écorces où il a cultivé la terre. D’où le nom du rang Morin. Du sang abénaki coulait dans ses veines.

Finalement une pirogue fut découverte en 1980 dans le lac à l’Eau Claire, à quinze mètres de profondeur. Il s’agit d’une seule pièce de bois de pin blanc, d’une longueur de 14 pieds. Une datation au carbone quatorze révèle qu’elle daterait du milieu du XVIIe siècle. On peut aujourd'hui la voir au Musée des arts et traditions populaires de Trois-Rivières.

Alors, tous à vos masques de plongée : y-a-t-il une pirogue amérindienne dans les eaux du lac Lambert?

Pourquoi Lambert?

Mystère et boule de gomme! En plus ils sont nombreux les lacs Lambert au Québec. Trois, juste dans le comté Maskinongé.

À la commission de Toponymie du Québec – qui a pour fonction de faire connaître l’origine des noms qui servent à nommer et décrire les villes, villages, routes, régions, rivières, lacs, etc. de la province –, on peut lire pour notre lac Lambert :

« L’origine de ce nom et, le cas échéant, sa signification n’ont pu être déterminées jusqu’à maintenant. La Commission de Toponymie invite toute personne détenant une information sur l’un ou l’autre de ces aspects à lui en faire part. »

toponymie

Nous voilà avancés!

Prenant mon courage à deux mains, j’ai appelé Thérèse Saint-Onge, la présidente de la Société aleximontoise d’histoire et de généalogie. Elle n’en sait rien mais m'a promis de s’informer, consulter, fouiller…

Dans la salle d’attente du garage Plante, alors que j’expliquais à un voisin du lac qui venait, comme moi, faire poser ses pneus d’hiver, combien l’origine du nom Lambert était difficile à trouver, une dame d’un certain âge, qui attendait aussi son auto, m’a interpellé : « Appelez Léon Lemay, il a une très bonne mémoire de toute l’histoire du village ». J’ai parlé à monsieur Lemay ...qui n’en sait rien, lui non plus! Il suppose, comme on le suppose tous, que Lambert doit être le nom du premier propriétaire, du moins un des premiers.

Il faudrait donc chercher dans le Registre foncier du Québec en ligne du ministère des Ressources naturelles et forêts. Et là, ce n’est pas simple. C’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. À chaque document consulté, il faut payer un dollar. J’ai abandonné mais peut-être serez-vous plus tenace que moi?